Jean Denis Saint-Félix, SJ, supérieur des Jésuites d’Haïti
Haïti fait partie de la Province jésuite du Canada
Sur le plan sociopolitique, Haïti connaît depuis un certain temps une situation de crise, des plus préoccupantes. Un ras-le-bol collectif est remarqué, les nouvelles ne sont guère réjouissantes pour le peuple qui se veut fort et résilient face à une réalité des plus dures et révoltantes. Un peuple qui essaie de garder un peu de dignité en dépit de cette laideur profonde avec lequel on nous dépeint sur la scène internationale. Nous sommes rendus à ce carrefour de notre existence de peuple où il faut une rupture avec cet état de fait lamentable et intenable pour s’ouvrir à une autre ère. D’un président en fonction abattu dans sa résidence à un séisme de magnitude 7,2 ayant affecté le Grand Sud du pays, jusqu’au refoulement inhumain de nos compatriotes à la frontière américaine en quête de mieux-être, la coupe est désormais pleine et se déverse.
Nous, les jésuites d’Haïti, à l’instar de tous les Haïtiens, et parce que nous sommes proches des hommes et des femmes du pays à travers notre mission et nos apostolats, nous subissons bel et bien le quotidien douloureux et frustrant qui résulte de la crise actuelle.
La prolifération des gangs armés sur quasiment tout le territoire a provoqué le déplacement forcé de milliers d’Haïtiens ; les plongeant dans une incertitude douloureuse. Sur le plan politique, il n’y a absolument pas de quoi être rassuré pour l’avenir ; les accords se font et se défont au gré des manœuvres et des manipulations malsaines desdits gouvernants et hommes politiques.
Nous, les jésuites d’Haïti, à l’instar de tous les Haïtiens, et parce que nous sommes proches des hommes et des femmes du pays à travers notre mission et nos apostolats, nous subissons bel et bien le quotidien douloureux et frustrant qui résulte de la crise actuelle. Le jeune territoire jésuite d’Haïti de la Province du Canada a, au cours de ces derniers mois, été quelque peu éprouvé : le père Rogério Da Silva, au terme de sa mission en Haïti, a été enlevé et séquestré, mais le dénouement fut heureux.
Malgré les risques réels, nous continuons d’apporter notre contribution en vue de faire une différence.
Les locaux du Service Jésuite aux Migrants ont été incendiés le 4 octobre dernier. La structure Foi et Joie est également affectée, parce que quatre de ses bureaux ainsi que son service des archives ont été détruits. Cet incendie survient à un moment où la vague migratoire des Haïtiens s’intensifie en raison de la crise sociopolitique qui ronge le quotidien. Le SJM, organisme d’apostolat social, s’implique depuis plus d’une vingtaine d’années dans la question migratoire par l’accompagnement des migrants déportés et la promotion du respect de la dignité et la défense des droits de ces derniers. Les suivis administratifs sont en cours et nous comptons sur l’appui de nos partenaires et de nos amis pour remettre sur pied cette œuvre jésuite pour la poursuite de sa mission.
Somme toute, nous restons plus que persuadés que la situation ne peut pas rester comme ça. Le peuple a déjà trop souffert. Malgré les risques réels, nous continuons d’apporter notre contribution en vue de faire une différence. Au lendemain du séisme du 14 août, une commission a été mise sur pied, pour apporter une réponse concrète et conséquente aux sinistrés, comme ce fut le cas après l’ouragan Matthew. Nous continuons d’être attentifs à l’évolution de la situation sociopolitique, produisant et partageant avec d’autres notre analyse et notre expertise, et accompagnant notre peuple dans sa lutte pour de meilleures conditions de vie.
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