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Tout est sacré : Voir les merveilles qui se jouent en profondeur

Par John McCarthy, SJ

Puisque, une fois encore, Seigneur, non plus dans les forêts de l’Aisne, mais dans les steppes d’Asie, je n’ai ni pain, ni vin, ni autel, je m’élèverai par-dessus les symboles jusqu’à la pure majesté du Réel, et je Vous offrirai, moi Votre prêtre, sur l’autel de la Terre entière, le travail et la peine du Monde.  Pierre Teilhard de Chardin, Hymne de l’univers, 1965. 

Ces cadres si divers de mes célébrations eucharistiques me font fortement ressentir leur caractère universel et pour ainsi dire cosmique. Oui, cosmique! Car, même lorsqu’elle est célébrée sur un petit autel d’une église de campagne, l’Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l’autel du monde. Elle est un lien entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne toute la création. Saint Jean-Paul II, lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, sur l’Eucharistie dans son rapport à l’Église, 2003, no  8. 

Fire Down on the Labrador par David Blackwood

L’ouvrage de David Blackwood, Fire Down on the Labrador (1980), est obsédant.  Seul, un canot de sauvetage chargé de survivants dérive en s’éloignant du danger sous la nuit froide du Labrador. Un iceberg s’avance, dont la masse immergée pénètre l’habitat du rorqual à bosse, tandis que l’humanité s’agite, inconsciente de la vie pélagique et de la poussée des glaces dans les profondeurs.  

À la surface de la vie, nous vaquons à nos occupations, nous nous attachons à commencer et à terminer des projets, saisis par la joie et le plaisir, l’échec et le désespoir. De la vie, nous ne captons souvent que le vernis, inconscients des merveilles qui se jouent en profondeur.    

Dans l’encyclique Laudato Si’ sur l’avenir de notre planète et de la vie, le pape François appelle à stimuler l’imagination et à relancer le dialogue sur la sauvegarde de notre maison commune. La foi et la recherche scientifique peuvent contribuer l’une et l’autre à ce dialogue indispensable. Que ceux qui ont des yeux voient et que ceux qui ont des oreilles entendent, dirait Jésus Christ… Il s’agit là d’une invitation à témoigner du sens profond du monde, à sonder les profondeurs de notre âme et les profondeurs de toute la création. La foi et la science apportent des perspectives qui ajoutent de la profondeur à notre compréhension du monde.  

Nébuleuse lagunaire de WikiImages – Pixabay

Notre univers vieux de 14 milliards d’années a une histoire. Les galaxies se sont formées, la vie est apparue, la photosynthèse a été « inventée » et la diversité des mammifères a fait irruption après la disparition soudaine des dinosaures. Même les êtres humains ont une histoire et de nouvelles découvertes viennent sans cesse rafraîchir la connaissance que nous avons de notre généalogie d’hominidés. Avec l’être humain ont émergé la conscience et la réflexion, le langage et la joie du chant. La création a pris conscience d’elle-même et s’est exprimée dans la parole 

Au fil d’époques prégnantes de dynamisme, sont apparus l’impensable et l’inouï. Nous avons été témoins d’impasses de l’évolution et aussi de l’extinction de presque toutes les espèces qui ont déjà vécu. La grande leçon de cette histoire, c’est la vérité radicale et permanente de la relationnalité.  Toute la création, des fleuves aux chrysanthèmes et aux humains, porte la marque du Big Bang; toutes ses composantes partagent avec nous les éléments de la vie. Et toute vie recèle des racines génétiques communes et engendre des descendants communs.   

Le langage de notre foi s’efforce, lui aussi, de sonder le mystère de l’existence et de la vie. Toute la création s’enracine dans l’acte d’Aimer. Elle découle comme un don de l’effusion de l’amour créateur de la Trinité. Le monde n’est pas un accident: animé par l’Esprit de Dieu, libre et indomptable, il a un sens et une fin.  Au centre de la création repose le Verbe, la profondeur du don incarné de Jésus Christ. Alpha et Oméga, commencement et fin, le Christ est le creuset en qui et par qui furent créées toutes choses. Notre Dieu trinitaire se révèle comme Trinité créatrice. Nettes et précises, les formules de notre credo énoncent simplement ce qui saute aux yeux du mystère insondable des choses visibles et invisibles.

La création est l’acte même du salut.

Et Dieu, fondement de la création, nous est révélé comme un dynamisme trinitaire dans la mutualité de l’amour entre le Père, le Fils et l’Esprit. Toute la création est relationnelle et connectée. Le monde est donc, dans son essence même, dynamique, relationnel, et d’une profondeur qu’on entrevoit mieux avec les yeux de la foi    

P. John McCarthy, SJ, parlant des contributions des jésuites à la science, photo : Camille Legaspi

La parole de la science et la parole de la foi aident à donner un sens à la beauté et aux gémissements du monde. À la surface des choses, nous pouvons avoir l’impression de dériver dans le canot de sauvetage de la vie. Mais, au cœur de la création souffle un esprit qui engendre la vie, le même souffle de vie que lorsque le monde était encore vide et informe. La danse de la science et de la foi nous comble d’espérance et de sens. Puissions-nous seulement avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre.