Par Scott Lewis, SJ
Il y a plusieurs années, on a consacré une exposition étonnante aux représentations de Marie-Madeleine au fil de l’histoire. Plusieurs tableaux offraient d’elle l’image d’une pénitente émaciée et hagarde, alors que d’autres suggéraient une beauté passablement voluptueuse. Ces œuvres en disent long sur la fascination qu’elle a exercée sur notre culture. Pendant des siècles, elle a enflammé l’imagination et nourri la spéculation, et c’est encore le cas au 21e siècle. Elle serait sans doute bien étonnée et un peu amusée de découvrir qu’elle continue de faire jaser, voire de susciter la controverse.
Au sixième siècle, on lui a affublé l’étiquette de prostituée, car on a fait l’erreur de l’identifier à la pécheresse anonyme de Luc 7 : elle allait garder cette réputation pendant des siècles. C’est ainsi que Marie devint le symbole de la femme repentante, pardonnée, mais marquée pour la vie. Aux deuxième et troisième siècles, elle a joué un rôle clé dans plusieurs ouvrages ésotériques de spéculation gnostique, qui faisaient d’elle une figure semi-cosmique presque à l’égal de Jésus. De nos jours, Marie est devenue un personnage central dans plusieurs romans à succès.
En fait, rien dans l’Écriture ne laisse supposer qu’elle ait été prostituée ou l’héritière de Jésus. Mais tout indique, en revanche, qu’elle était hautement respectée dans l’Église primitive et qu’elle avait été proche de Jésus. Marie est mentionnée à douze reprises dans les évangiles, plus souvent que plusieurs des apôtres. Chez Matthieu, Marc et Luc, elle est présente au tombeau avec d’autres femmes lorsqu’elles rencontrent Jésus ressuscité. D’après Luc 8, Jésus l’aurait libérée de sept démons, ce qui peut vouloir dire qu’il l’a guérie d’un traumatisme physique ou psychologique.
Mais tout indique, en revanche, qu’elle était hautement respectée dans l’Église primitive et qu’elle avait été proche de Jésus.
Dans l’évangile de Jean, Marie se tient au pied de la croix avec la mère de Jésus et le disciple bien-aimé. Elle se rend au tombeau seule, au matin de Pâques ; elle le trouve vide et court le dire à Pierre et au disciple bien-aimé, qui vont vérifier ses dires, mais rentrent chez eux perplexes.
Alors que Marie se tient en pleurs dans le jardin près du tombeau, elle vit la première rencontre avec Jésus ressuscité. Celui-ci lui confie un message important pour les apôtres, ce qui lui vaudra le titre officieux d’« apôtre des apôtres ». Voici le message de Jésus : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »
Dans tout l’évangile de Jean, Jésus insiste sur le fait que les humains sont incapables de connaître Dieu ou de le rejoindre sans aide d’en haut. En parlant de « mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu », Jésus souligne que Dieu est désormais accessible à toute l’humanité. Jésus devient notre frère, et nous devenons frères et sœurs les uns des autres. « J’ai vu le Seigneur », dit Marie aux apôtres. Chez Jean, voir, c’est faire l’expérience, et comprendre, vivre et saisir : c’est manifestement ce qui lui est arrivé.
Mais pourquoi Jésus est-il apparu d’abord à Marie et aux autres femmes ? Pour la simple raison qu’elles étaient là : elles n’avaient pas pris la fuite et leur attachement à sa personne n’avait pas été interrompu par la mort. Jésus a toujours fait preuve de respect et de compassion pour les femmes. Il les protégeait quand on voulait s’en prendre à elles : contre les apôtres qui les rudoyaient (Marc 14), contre une foule assoiffée de sang (Jean 8). Jésus a proclamé leur valeur et leur dignité et il a déclaré sans ambages qu’elles avaient parfaitement le droit d’être instruites des voies du royaume (Luc 10). Marie et d’autres femmes l’ont accompagné dans son ministère (Luc 8, 1-3). Elles ont réagi à son enseignement et ont pris son message à cœur. Il est étrange et cruellement ironique que pendant des siècles, en dépit du témoignage de la Bible et de l’exemple de Jésus, on ait ignoré ou sous-utilisé les dons et les talents des femmes.
Mais pourquoi Jésus est-il apparu d’abord à Marie et aux autres femmes ? Pour la simple raison qu’elles étaient là : elles n’avaient pas pris la fuite et leur attachement à sa personne n’avait pas été interrompu par la mort.