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Justice et sagesse autochtone : le travail du Réseau ecclésial pan amazonien

Par Pierre Bélanger, SJ
Journaliste – Curie générale de la Compagnie de Jésus, Rome 

photo: Jesuit Curia, Rome

Qui donc est ce personnage tatoué qui entoure de ses bras une famille autochtone d’Amazonie? Eh oui, cest un jésuite! Fernando Lopez est membre d’une équipe itinérante qui, comme son nom l’indique, parcourt rivières et chemins de brousse d’Amazonie pour vivre avec ses gens, pour partager ce qu’il est, la force de Jésus qui l’anime, ses connaissances et ses habiletés. Et pour continuer d’apprendre des peuples amazoniens à marcher sur les chemins d’une écologie intégrale.

Accueillez les petits enfants. photo: Red Eclesial Panamazónica (REPAM)

 « Servir, accompagner, défendre » : voilà trois verbes qui, dans la sphère jésuite, sont intimement liés au travail du Service jésuite des réfugiés (JRS). Mais ils ne sont pas réservés à cette œuvre internationale connue et reconnue. Ces verbes définissent tant d’autres organisations et entreprises de la Compagnie de Jésus qui sont proches des pauvres, des personnes oubliées, des marginalisés du monde. Et parmi eux, il y a les autochtones de la région amazonienne, une immense partie de l’Amérique du Sud qui touche neuf pays, mais d’abord le Brésil. Les jésuites sont là; ils servent, ils accompagnent, ils défendent les populations menacées. 

« Toutes les ressources de l’Amazonie sont considérées comme des marchandises par les grandes entreprises. L’Église doit être de notre côté contre les entreprises et les gouvernements qui nous volent », sœur Arizete Miranda Dinelly, Satere-Mawe, membre du REPAM

Pendant si longtemps, les gens qui vivent en Amazonie, relativement peu nombreux et vivant souvent dans des villages difficilement accessibles, n’ont pu se faire entendre et dire au monde les obstacles auxquelles ils font face. Plus récemment pourtant, la conscience internationale sur le réchauffement de la planète a identifié clairement l’importance de ce « poumon de la terre » que sont les forêts amazoniennes. L’abattage des arbres sur de grandes surfaces a enfin été perçu comme un menace réelle, surtout dans le contexte politique actuel du Brésil, avec un président peu sensible aux questions environnementales. 

Sur l’Amazone. photo: REPAM

Mais ces sursauts de conscience écologique laissent rarement le premier plan aux personnes. Il aura fallu le Pape François pour que le cri des autochtones de là-bas retentisse de par le monde. À la surprise de tant de gens, le pape a convoqué un synode spécial des évêques de la région de l’Amazone auquel il a invité des experts mais aussi des « gens du terrain » et des autochtones avec eux.  

Fernando Lopez était là. Lui et son groupe ne sont pas passés inaperçus, aussi bien dans la basilique Saint-Pierre que durant le Chemin de Croix qui rappelait celui des peuples autochtones. Ce petit groupe en représentait tant d’autres, rejoints par l’activité du REPAM, le Réseau ecclésial pan amazonien de l’Église catholique, fondé en 2014. Oui, un réseau; car si les jésuites ont créé en 1998 « l’équipe itinérante » en Amazonie, une équipe qui comprend aussi des religieuses et des laïcs, ils ont tout fait pour que leur engagement rejoigne tous les coins de la région.  

Pour cela, ils ont favorisé la mise sur pied de ce réseau de tous les agents de l’Église – congrégations religieuses, diocèses, regroupement de catéchètes – qui étaient animés de la même philosophie, celle de l’accompagnement, du service et aussi de la défense des peuples autochtones. Et cela implique le « vivre avec », l’acculturation, la sensibilité aux valeurs de ces peuples, y compris sur le plan religieux. L’itinérance de ce service d’Église est celle de la « vie-mission », selon l’expression privilégiée du P. Arturo Sosa, Supérieur Général des jésuites. Aux frontières, aux périphéries du monde, c’est une itinérance non seulement géographique mais aussi intérieure. Un voyage avec les peuples amazoniens vers Dieu, nourri par le respect et l’amour mutuels. 

Visite des religieuses de l’équipe itinérante. photo: REPAM

Les activités sont à la fois pastorales et sociales. Oui, l’évangile est annoncé par des catéchètes mieux formés et plus de prêtres peuvent visiter les communautés éloignées. Mais le REPAM s’active aussi à faire évoluer les choses en promouvant la vision écologique des peuples indigènes, en défendant la vie de la forêt et de ses gens, en cherchant à ouvrir un avenir prometteur aux jeunes sans qu’ils aient à s’exiler. Cet esprit ressort de la lettre apostolique que le pape a publiée après le synode. Elle s’intitule « Querida Amazonia », « Chère Amazonie », un titre qui exprime simplement mais clairement l’affection chaleureuse que François a pour la région et ses habitants. 

« Pour nous, la première chose est toujours la joie, le fait de pouvoir annoncer la Bonne Nouvelle et, en même temps, dénoncer la mort, car nous devons être clairs sur ce qui tue notre Amazonie, notre maison », Ednamar de Oliveira, déléguée Satere-Mawe au Synode sur l’Amazonie.

Appuis aux femmes et à la culture. photo: REPAM

Si le REPAM est véritablement né de la volonté des conférences épiscopales et des instances des congrégations religieuses de la région, le leadership de la Compagnie de Jésus dans la région et au REPAM est bien reçu. Le sens du discernement et l’expérience missionnaire des jésuites leur permettent d’ouvrir des chemins nouveaux, d’user de créativité, sans crainte d’innover et en se fondant sur la proximité vécue avec les peuples de la région. Les modèles habituels ont fait leur temps; leur « confrère », le Pape François, le laisse savoir par ses paroles et surtout par ses gestes. C’est l’heure de l’itinérance d’accompagnement! Récemment, c’est le cardinal Pedro Barreto, jésuite, qui a été choisi comme président du REPAM. Ce jésuite péruvien courageux a été nommé cardinal par le Saint-Père qui lui a ainsi manifesté son appui pour les engagements pastoraux et sociaux que le père Pedro a pris, malgré les menaces que cela lui a valu.