1) Combien y a-t-il eu de pensionnats autochtones sous la responsabilité des jésuites?
Nous avons dirigé une école à Spanish, en Ontario, dont la nature et la mission ont évolué avec les années.
L’ouvrage de Basil Johnston, Indian School Days, et celui de David Shanahan, More Than Mere Talent, racontent l’histoire de cette école.
Elle a vu le jour sur l’île Manitoulin dans une école préexistante de la Première Nation de Wikwemikong, que nous avons reprise en 1845. Cet externat a fini par s’appeler la Wikwemikong Industrial Boys’ School et a commencé à recevoir des fonds fédéraux en 1879. En 1885, l’édifice a été détruit par un incendie. Après qu’on eut tenté de relancer l’établissement sur place, l’école a été relocalisée en 1913 sur un site de 600 acres sur la rive nord de la baie Georgienne, à Spanish, en Ontario. Elle accueillait 180 garçons d’âges différents. À ce nouvel emplacement, l’école a pris le nom de St. Peter Claver Residential School for Boys [Pensionnat Saint-Pierre-Claver pour garçons]. En tant qu’école industrielle, elle avait pour but d’enseigner aux enfants autochtones des métiers et des compétences « utiles ».
L’École pour filles Saint-Joseph de Spanish fut construite en 1914. Fondée et dirigée par les Filles du Cœur de Marie, cette école s’élevait sur un terrain de 400 acres, adjacent au pensionnat Saint-Pierre-Claver.
En 1947, après avoir reconnu l’échec du modèle de l’école industrielle et la nécessité de préparer les jeunes aux études postsecondaires, on ouvrit le St. Charles Garnier Collegiate [collège Saint-Charles-Garnier], école secondaire pour garçons qui ferma ses portes en 1958.
2) Comment les jésuites ont-ils réagi à la découverte des restes de 215 enfants à Kamloops?
Dans une déclaration publique, le provincial des jésuites du Canada, le père Erik Oland, SJ, a exprimé sa profonde tristesse et sa douleur devant cette horrible découverte. Nous sommes solidaires de la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc et de toutes les personnes qui ont subi les traumatismes provoqués par le système des pensionnats autochtones.
On peut trouver le texte de la déclaration en suivant ce lien.
Dans ses Appels à l’action, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) demande au gouvernement fédéral de collaborer avec les églises et les dirigeants communautaires autochtones pour informer les familles des enfants qui sont décédés dans les pensionnats du lieu de sépulture de ces enfants, afin de répondre au souhait de ces familles de tenir des cérémonies et des événements commémoratifs appropriés et de procéder, sur demande, à la réinhumation des enfants dans leur collectivité d’origine.
Nous sommes toujours déterminés à travailler avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation, les communautés autochtones et les anciens élèves des pensionnats autochtones, le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et municipaux afin de concevoir et d’appliquer des stratégies et des procédures en vue de l’identification, de la documentation, de l’entretien, de la commémoration et de la protection des cimetières des pensionnats autochtones ou d’autres sites où furent inhumés des élèves des pensionnats. Cela comprend des cérémonies et des événements commémoratifs appropriés pour rendre hommage aux enfants décédés.
3) Les jésuites vont-ils collaborer aux recherches pour retrouver les restes d’enfants?
Oui. En 2008, il y a eu une enquête sur les sépultures d’élèves au cimetière de Spanish (Ontario). On a publié un livret qui contient les noms de tous les élèves qui ont succombé à la maladie pendant que les écoles étaient ouvertes, ainsi que les noms de leurs parents, celui de leur communauté et les données qui expliquent leur décès. Pour être sûrs de comprendre le mieux possible ce qui est arrivé à ces enfants, nous avons retenu les services du Dr David Shanahan afin qu’il procède à un examen complet des décès et des sépultures.
4) Les jésuites du Canada ont-ils présenté des excuses aux victimes des pensionnats autochtones?
Oui. Lors de l’événement national québécois de la CVR à Montréal, le 25 avril 2013, le père Winston Rye, SJ, a présenté des excuses et lu une déclaration de réconciliation aux survivants du pensionnat de Spanish qui étaient présents.
Je me lève ici au nom des jésuites pour dire que nous regrettons vraiment, et du fond du cœur, ce que nous avons fait qui a blessé des individus, des familles et des communautés en participant au système des pensionnats indiens du Canada…
(Nous) venons reconnaître les élèves qui ont eu le courage de nous interpeller au sujet de notre rôle dans le système des pensionnats indiens, il y a une trentaine d’années.
Nous vous avons traités comme des dissidents et des ingrats au lieu d’écouter ce que vous aviez à nous dire.
Les litiges et les poursuites judiciaires nous ont fait découvrir les conditions de vie difficiles, la mauvaise nourriture, les punitions brutales et les horribles incidents d’abus sexuels.
La déclaration reconnaissait aussi le traumatisme intergénérationnel qui frappe les enfants et les petits-enfants des survivants des pensionnats.
On pourra trouver ici le texte des excuses et de la déclaration de réconciliation.
5) Comment les jésuites ont-ils réagi quand ils ont commencé à recevoir des plaintes d’abus?
Notre première réaction a été l’incrédulité et l’indignation. Les survivants ont ensuite intenté des recours collectifs devant les tribunaux. Nous regrettons profondément d’avoir rejeté ces plaintes et nous déplorons l’impact qu’a eu le litige sur nos élèves. À la suite de la Convention de règlement relative au pensionnat de Spanish, grâce aux conseils et à la sagesse de la Fondation autochtone de guérison et de la Commission de vérité et réconciliation, nous avons pris conscience de notre responsabilité et appris à agir en conséquence. Nous avons mieux compris la gravité du choc intergénérationnel causé par les pensionnats à des générations de familles dont les parents étaient des survivants.
6) Quels sont les engagements concrets qu’ont pris les jésuites envers les collectivités, les familles et les citoyens autochtones?
Dans nos excuses et notre déclaration de réconciliation de 2013, nous avons pris les engagements que voici devant la CVR et devant nos anciens élèves et paroissiens:
- Promouvoir pour chaque Canadien l’égalité d’accès à l’éducation dans sa communauté d’origine.
- Soutenir la reconstruction des langues et des cultures autochtones.
- Poursuivre le processus de numérisation et de mise à disposition des ressources en langues autochtones provenant des archives.
- Continuer de donner accès aux archives des jésuites au Canada afin que l’on puisse avoir une vue d’ensemble de ce furent les pensionnats.
Notre engagement le plus important est sans doute celui de rester en relation, d’écouter et d’apprendre, et d’essayer d’être de bons alliés.
7) Quels sont les engagements qui ont été remplis?
C’est à la fin des années 1980 qu’on nous a d’abord informés de plaintes à propos des mauvaises conditions et de la maltraitance dans notre pensionnat. Malheureusement, nous n’y avons pas prêté foi et nous nous sommes sentis insultés. Nous regrettons d’avoir réagi en plaidant de manière agressive devant les tribunaux. Il nous a fallu dix ans pour prendre conscience de notre responsabilité et agir en conséquence.
En éducation, nous soutenons activement deux écoles intermédiaires (de la 6e à la 8e année) qui reçoivent surtout, mais pas exclusivement, des enfants autochtones: l’école intermédiaire Mother Teresa à Regina (ouverte en 2011) et l’école intermédiaire Gonzaga à Winnipeg (ouverte en 2016). Ces deux établissements accordent une grande attention à chaque élève et à sa famille, et ils enseignent les traditions culturelles et spirituelles autochtones. Ils s’engagent également à soutenir leurs élèves après qu’ils ont obtenu leur diplôme, dans leurs études secondaires et postsecondaires, jusqu’à ce qu’ils décrochent un emploi à temps plein. Ces deux écoles intermédiaires participent pleinement aux réseaux des collèges jésuites du Canada et des États-Unis (et du monde entier). Nous espérons ainsi contribuer à abaisser les barrières et à combler les fossés qui séparent Autochtones et Allochtones dans notre pays en matière d’éducation et d’emploi.
Pour la langue et la culture, nous préconisons l’utilisation des langues et des cérémonies autochtones dans les services religieux catholiques. Nous mettons aussi à la disposition des chercheurs les ressources linguistiques historiques que conservent nos archives.
En ce qui a trait à l’accès aux dossiers des pensionnats, nous avons appuyé les travaux de la Commission de vérité et réconciliation pour la conservation des registres et des dossiers du pensionnat de Spanish. Tous les fonds d’archives ont été fournis non expurgés à la CVR. Il s’agit notamment de listes de classes, des élèves décédés à l’école, de journaux intimes et de correspondance, des dossiers du personnel et de photographies. Ces documents sont aujourd’hui accessibles par l’entremise du Centre national pour la vérité et la réconciliation à Winnipeg. Certains sont également accessibles par l’entremise du Projet Shingwauk à Sault Ste. Marie.
8) Les jésuites sont-ils disposés à collaborer avec les gouvernements fédéral et provinciaux ou d’autres autorités pour donner accès à leurs archives et au site des pensionnats de Spanish ?
Oui. Nous continuons de soutenir l’héritage de la Commission de vérité et réconciliation en appuyant les efforts du Centre national pour la vérité et la réconciliation et le Projet Shingwauk afin de conserver les registres et les archives du pensionnat de Spanish.
Tous les dossiers administratifs relatifs au pensionnat de Spanish ont été fournis non expurgés à la CVR. Il s’agit notamment des dossiers du personnel, des dossiers relatifs aux décès d’élèves, de journaux intimes et de la correspondance de la maison. La plupart de ces documents peuvent être consultés en ligne par l’entremise du Centre national pour la vérité et la réconciliation et du projet Shingwauk.
9) Les jésuites ont-ils payé des réparations financières aux personnes lésées par les pensionnats ?
Le 4 mai 2004, la Convention de règlement relative au Pensionnat de Spanish visant à indemniser les élèves a été signée par les pères jésuites du Haut-Canada, la Corporation épiscopale catholique romaine du diocèse de Sault Ste. Marie et les Filles de Marie.
Nous avons entièrement financé la Convention de règlement relative au Pensionnat de Spanish au moment de sa signature et nous avons versé des contributions en nature à la CVR tout au long de son mandat, notamment en lui fournissant des bureaux.
10) Quelles sont les autres mesures qu’ont prises les jésuites afin de poursuivre leurs efforts de réconciliation avec les communautés autochtones?
La CVR a demandé aux parties ecclésiastiques, y compris l’Église catholique, d’élaborer des stratégies d’éducation permanente afin que leurs congrégations respectives apprennent le rôle de leur Église dans la colonisation, l’histoire et l’héritage des pensionnats et les raisons pour lesquelles il fallait présenter des excuses aux anciens élèves des pensionnats, à leurs familles et à leurs communautés.
Dans le cadre de cet engagement, les jésuites en formation participent à des expériences animées par des Anciens autochtones. Les écoles secondaires dont nous sommes responsables incorporent cette histoire à leurs programmes d’enseignement.
Nous avons aussi contribué à l’organisation d’une semaine intensive de théologie à l’Université Saint-Paul d’Ottawa sur l’Église et la réconciliation avec les peuples autochtones. Cette session a réuni plusieurs personnes, autochtones et non autochtones, des catholiques notamment, qui sont activement engagées dans le travail de réconciliation à la grandeur du pays.
La CVR a également demandé aux dirigeants de l’Église catholique de respecter la spiritualité autochtone en tant que telle et de sensibiliser ses membres à l’histoire et à l’héritage des pensionnats et au rôle des Églises dans ce système. Les jésuites ont conscience de l’importance pour l’Église de comprendre l’histoire et l’héritage des conflits religieux dans les familles et les communautés autochtones, ainsi que de la responsabilité qui lui incombe d’atténuer ces conflits et de prévenir la violence spirituelle à l’avenir.
Nous explorons avec d’autres chrétiens, autochtones et non autochtones, diverses façons de décoloniser la pratique de la foi chrétienne et d’inciter les catholiques à découvrir et à comprendre la richesse des spiritualités autochtones.
Pour répondre directement aux Appels à l’action de la CVR, des responsables catholiques autochtones et non autochtones ont collaboré avec la direction de la Conférence des évêques catholiques du Canada à mettre sur pied, en 2016, le Cercle Notre-Dame-de-Guadalupe. Ce cercle a pour but d’améliorer les relations entre les peuples autochtones et l’Église catholique, ainsi qu’entre les spiritualités autochtones et catholiques.
En septembre 2019, le provincial des jésuites du Canada a donné à un prêtre jésuite le mandat de travailler à plein temps aux engagements pris par les jésuites en 2015. Son travail a pour objectif de promouvoir la décolonisation chez les jésuites de façon systématique en encourageant les apostolats jésuites et ignatiens à cultiver des relations avec les peuples, les communautés et les organisations autochtones.
Mais surtout, nous restons en relation avec des Autochtones dans les paroisses catholiques autochtones de la baie Georgienne et de Thunder Bay, par le biais du Kateri Native Ministry à Ottawa et dans nos écoles intermédiaires de Regina et de Winnipeg.
11) Que pensent les jésuites de l’idée de demander au pape François de présenter des excuses aux survivants, aux familles et aux communautés ?
Nous pensons que des excuses de la Conférence des évêques catholiques du Canada et une visite du pape pendant laquelle il présenterait ses excuses pour le rôle joué par l’Église catholique dans les pensionnats autochtones et dans la colonisation (comme le demande l’Appel à l’action 58 de la CVR) pourraient beaucoup contribuer à promouvoir la justice et à la réconciliation avec les communautés autochtones au Canada.
Plusieurs diocèses et plusieurs instituts religieux ont présenté des excuses. Des excuses collectives de l’ensemble de l’Église au Canada seraient une contribution importante à la guérison. Tous les secteurs de la société ont besoin d’être guéris des attitudes et des séquelles de la colonisation.
Excuses et déclaration de réconciliation des Jésuites du Canada anglais
They came for the children (Un film en 5 parties basé sur le rapport final de la CVR sur les pensionnats autochtones au Canada – En anglais)
À l’écoute des voix autochtones : Guide de dialogue sur la justice et les relations équitables
Pour des informations additionnelles :
José Sánchez
Director of Communications
CANcommunications@jesuites.org
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