C’est au son des teweikan, des tambours autochtones, sous des effluves de sauge sacrée et dans une ambiance priante, qu’a eu lieu la toute première messe autochtone organisée par l’église du Gesù, le dimanche 11 août dernier.
Organisée en marge du festival Présence autochtone qui avait lieu non loin de là, sur la Place de Festivals, cette célébration liturgique a été présidée par le père John Meehan et concélébrée par le Provincial des Jésuites du Canada, le P. Erik Oland SJ. Revêtant pour l’occasion soutane et surplis, l’objiwé Roger Twance a joué un rôle de premier plan dans cette célébration, conjointement avec Tom Dearhouse, aîné de la nation Kanien’kehá :ka de Kahnawake, et Kenneth Wallace, de la nation Chactas, ces derniers étant quant à eux revêtus des tenues traditionnelles de leur peuple respectif. Le père John Meehan portait quant à lui une chasuble d’inspiration autochtone.
Messe catholique, rituels autochtones
Cette messe a fait une large part aux traditions spirituelles autochtones. C’est au rythme des tambours et des chants autochtones de Tom Dearhouse et de Kenneth Wallace qu’a eu lieu la procession d’entrée de cette messe, la croix de procession étant ornée de plumes d’aigle sacrées. C’est à l’aide de fumée de sauge qu’a eu lieu l’acte pénitentiel, au tout début de cette célébration liturgique. Dans la spiritualité des Premières Nations, la fumée de sauge est en effet associée à des rituels de purification.
C’est encore une fois au son enivrant des teweikan et sous les effluves de fumée de sauge qu’ont eu lieu les prières universelles. L’émotion et la dévotion étaient palpables au sein de l’assemblée, à en juger par le nombre élevé de fidèles à s’être dirigés vers l’autel pour adresser leurs prières au Créateur, tout en brûlant quelques feuilles de sauge sur une braise ardente. Tant et si bien que Tom Dearhouse et de Kenneth Wallace ont fait résonner leurs tambours et chantonné sans relâche afin d’accompagner l’assemblée dans ses prières.
Les textes bibliques ont été lus par Tom Dearhouse (Sagesse 18, 6-9) et Roger Twance (Hébreux 11, 1-2), de même que par le Provincial Erik Oland (Luc 12, 32-48). Dans son homélie, John Meehan n’a pas manqué de saluer le rôle des ancêtres, qui assurent la pérennité et la vitalité de la foi et des traditions ancestrales. Non sans interpeller à quelques reprises l’Église catholique et les membres de nos communautés de foi pour toutes les fois où ils ont manqué de charité, de solidarité et de fraternité envers nos frères et sœurs autochtones.
Il a plaidé en faveur de la réconciliation, saluant au passage sœur Marie-Laure Simon, c.n.d., présente dans l’assemblée, qu’il a chaleureusement remerciée pour sa contribution au rayonnement des cultures et spiritualités autochtones, de même qu’à la réconciliation entre les peuples, notamment au sein du Centre Wampum qu’elle a dirigé pendant 25 ans.
Nourrir la solidarité et l’engagement
Au terme de cette célébration liturgique à laquelle ont pris part 140 personnes, l’assemblée a été invitée à prendre part à l’exercice des couvertures, développé par KAIROS et adapté au contexte québécois par le ROJEP afin de sensibiliser les Canadiens et les Canadiens aux vexations, humiliations et injustices qui a ont jalonné la trajectoire historique des peuples autochtones en Amérique du Nord. Animé par Brian McDonough, ex-directeur de l’Office de la pastorale sociale du diocèse de Montréal, l’exercice a fait le plein de participants, pas moins de quarante personnes étant restées sur place, dans l’enceinte même de l’église du Gesù, pour y prendre part. L’émotion était palpable tout au long de l’exercice, et plus encore au moment de la période de discussion qui l’a suivi. Cette incursion dans les laideurs et les violences du colonialisme a bouleversé plusieurs participant-e-s, y compris celles et ceux ayant vécu — et vivant encore — avec les séquelles de cette expérience coloniale, qu’ils fussent Autochtones, Allochtones ou immigrants. Favorisant l’empathie, cet exercice a suscité de vives émotions chez des participants d’ascendance micmaque, acadienne, antillaise et même algérienne, qui avaient tous et toutes en commun d’être issus de peuples ayant été exposés aux horreurs du colonialisme.
D’autres participants ont quant à eux évoqué leur propre prise de conscience face aux injustices dont ont été victimes non seulement les Autochtones du Canada mais aussi tous les peuples colonisés. S’en est suivi plusieurs interpellations en faveur de la réconciliation, de la solidarité et de la transformation des structures colonialistes toujours à l’œuvre au Québec et au Canada.
Dans l’ensemble, donc, une belle réussite pour une première célébration de ce genre au Gesù. Il serait toutefois souhaitable qu’au fil des ans, les célébrations comme celle-ci fassent une plus large place aux traditions culturelles et spirituelles des Premières Nations, de même qu’aux Autochtones n’adhérant pas à la foi catholique, afin de pousser plus loin encore l’inculturation, le dialogue, la réconciliation et la décolonisation de nos relations avec les peuples autochtones.