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Story

Le processus derrière la Commission de Vérité et Réconciliation (CVR) a été à la fois «frustrant», mais aussi «touchant», selon Bill Blakeney. Avocat travaillant comme conseiller juridique pour les jésuites du Canada, ce dernier a été impliqué dans les procédures des jésuites avant et pendant la Commission de Vérité et Réconciliation.

Rappelons que la CVR a été officiellement créée en 2008 dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Son rapport final a mis en lumière les expériences tragiques des milliers d’élèves ayant fréquenté les pensionnats indiens au Canada. Par exemple, au pensionnat jésuite communément appelé le «Spanish Residential School», plusieurs enfants ont été séparés de force de leur communauté, l’utilisation de leur langue maternelle était regardée avec suspicion et les élèves recevaient souvent de dures corrections pour des infractions mineures. Au Canada, à la suite du rapport de la CVR, des procédures d’indemnisations ont été mises en place et 94 recommandations ont été énoncées «afin de remédier aux séquelles laissées par les pensionnats et de faire avancer le processus de réconciliation.»

Bill Blakeney a accepté de détailler la manière dont les jésuites ont utilisé leurs archives pour paver la voie à cette réconciliation. Il explique qu’après un moment de résistance par rapport aux témoignages d’anciens élèves de Spanish, les jésuites ont décidé de mettre en pratique les valeurs de justice sociale en revenant sur ce pan de leur histoire de manière transparente et ce faisant, sont peut-être devenus un modèle pour les autres organisations religieuses dans leurs rapports avec les communautés autochtones.

Comment avez-vous été impliqué dans l’affaire de l’école Spanish?

J’étais déjà impliqué avant avec le gouvernement et les Premières nations. J’ai été le conseiller juridique des jésuites et de leurs assureurs depuis environ 1992. Au fil des ans, j’ai servi à ce titre de nombreuses Premières nations ojibwé du nord de l’Ontario. Les anciens enseignants et les élèves de l’école sont à la fois des amis et des clients.

Dans les investigations concernant Spanish, les jésuites étaient représentés par un excellent avocat, Donald C. McLean. Don a aidé à créer le régime d’indemnisation pour aider les victimes de l’école. Mes instructions étaient d’assister Don parce qu’il était un avocat au criminel, alors que j’avais de l’expérience dans affaires historiques et dans la médiation avec de larges groupes.

Quelle a été la réaction des jésuites à ces investigations?

Ce qui s’est passé, c’est qu’il y avait d’abord une grande résistance au fait que les élèves n’avaient pas été capables de parler ou d’apprendre l’ojibwé à l’école. Certains jésuites considéraient que les anciens élèves étaient des ingrats, considérant l’éducation qu’ils avaient reçue. Il y avait toujours eu une ferme conviction que Spanish était une école modèle.

Mais au fil du temps, alors que plusieurs personnes étaient interviewées, une image plus complète de l’école a émergé. Les jésuites ont retenu les services de David Shanahan, un historien très respecté, pour écrire un livre sur l’école avec accès aux archives. On lui a dit: tu as les ressources dont tu as besoin, écris le livre, les jésuites ne vont pas interférer. Le P. Jacques Monet, SJ, était derrière cette idée, se disant que comme David était un bon historien, il allait être juste. Et je pense qu’il a écrit un livre fantastique.

Que disaient les sources?

La plupart des sources sur lesquelles les gens se sont basés provenaient du P. Maurice, SJ, le dernier directeur du Garnier Residential School. Le P. Maurice a écrit des lettres à tout le monde expliquant que les gens qui travaillaient à l’école étaient incompétents, qu’il n’y avait pas assez d’argent, que les étudiants étaient tellement effrayés de se faire battre qu’ils ne levaient pas les yeux. Il était au courant de la brutalité à l’école. Une partie du problème reposait d’ailleurs sur le fait que l’école n’avait pas été conçue pour accueillir de jeunes enfants, c’était censé être l’équivalent d’une école professionnelle.

Quel a été votre rapport aux archives?

J’ai fait la majorité du travail de recherche dans les archives, au début avec le P. Patrick Boyle, SJ, l’archiviste jésuite à Toronto. Les documents étaient dans un mauvais état. Les archives étaient simplement une collection de boîtes sans ordre. J’ai fait un travail de classification. Aussi, les documents avaient été éparpillés, certains au Sanctuaire des Martyrs, certains ont été pris par des jésuites à des fins de lecture, mais n’ont jamais été rendus. J’ai aussi fouillé dans les microfiches des archives fédérales en Ontario et dans les documents du P. Maurice.  J’aime les archives et les archivistes! Et Jacques Monet m’a même autorisé à un moment à prendre avec moi des documents, tant que je les rendais ensuite.

Y a-t-il des archives ou un moment dans le processus qui vous a particulièrement touché?

Nous nous sommes rendu compte très tôt qu’un des mandats de la mission de la Commission de Vérité et Réconciliation était de chercher et de déterminer ce qui était arrivé aux étudiants qui ne sont pas revenus. Ironiquement, le taux de mortalité à Spanish était beaucoup plus faible pendant les années de grippe et les années où la tuberculose était endémique dans les écoles. Les jésuites ont amené un docteur de Montréal quand il y avait des problèmes avec des maladies contagieuses à l’école. Des enfants d’autres écoles sont morts, après avoir été battus sans être traités ensuite, s’être enfuis sans arriver chez eux, ou parce que leur école a été utilisée comme zone de quarantaine par le gouvernement afin d’éviter aux enfants blancs d’être exposés à leurs camarades de classe contagieux. Quand Jacques Monet et moi sommes allés à Spanish pour trouver les tombes et s’assurer qu’elles étaient bien identifiées et pour trouver ce qui était arrivé aux élèves, c’était très touchant, même si ces décès n’étaient pas dû à de la négligence.

À la suite des recherches effectuées, quel a été le rapport des jésuites, de l’Église et des Premières nations?

Je veux souligner cela. Jim Webb, SJ, en tant que provincial, a décidé que les jésuites croyaient en la justice sociale pas juste en théorie, mais en pratique, et de tout mettre en œuvre pour ce faire. En même temps, l’entité catholique faisait tout ce qui était en son pouvoir pour arrêter les jésuites, par exemple essayer de les exclure de la commission de la Commission de Vérité et Réconciliation. Nous avons essayé très fort d’être un exemple. Nous produisions tous les documents sur une base volontaire (photos, dossiers scolaires, etc.), nous avons travaillé avec d’anciens élèves pour les indemnisations, nous avons partagé nos locaux avec la Commission de Vérité et Réconciliation à Toronto, nous avons été la seule communauté catholique à permettre aux historiens d’interviewer les jésuites qui étaient à Spanish et qui s’est assuré qu’ils aient accès à tout ce dont ils avaient besoin.

Pour ce qui est des Premières nations, nous avons eu une discussion plus tard avec le P. Peter Bisson, SJ, et certains anciens élèves de Spanish. On nous a demandé de transmettre un message selon lequel les étudiants de Spanish et les communautés autochtones estiment que la priorité du gouvernement pour le moment devrait être d’agir pour remédier aux problèmes environnementaux dans leurs communautés. La plus grande préoccupation de ce groupe était le fait que certains aspects de leur éducation avaient causé l’effacement de la langue ojibwée et du savoir traditionnel. On craignait que les appels à l’action de la Commission concernant l’intégration de l’histoire des pensionnats autochtones dans les programmes d’études des blancs ne soient d’une importance secondaire par rapport aux besoins d’avoir des ressources linguistiques disponibles dans les réserves.

par Michael Swan cette image est sous licence CC BY-ND 2.0

Plus généralement, comment selon vous l’histoire et les archives peuvent-elles être mises au service des Autochtones?

Le plus important – et ce dont je parle toujours – c’est qu’il y a quelque chose de tout à fait contradictoire dans le concept européen des archives, à savoir que les archives sont un carré où les choses précieuses sont conservées pour la postérité. On suppose que les personnes qui vont les utiliser sont des universitaires européens ou des chercheurs internationaux. Il n’y a rien qui est destiné à être diffusé dans les communautés autochtones où les archives sont essentiellement du domaine public. Le plus important est de mettre à la disposition de toutes les communautés les archives relatives aux écoles, afin que les petits-enfants des survivants, par exemple, puissent trouver des documents et des photographies, des journaux scolaires, ce sont là des choses vraiment précieuses. Ils ne veulent pas lire le journal du père un tel. Certains survivants veulent aussi retrouver leur meilleur ami, mais chaque année, il y a de moins en moins de survivants.

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