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Story

Par Fannie Dionne

Après avoir présenté ses excuses à Rome en avril 2022 devant les délégations autochtones, le pape François visitera en personne diverses communautés autochtones sur le territoire que l’on appelle aujourd’hui le Canada, du 24 au 29 juillet 2022. Ce sera l’occasion, « une nouvelle fois, d’écouter et de dialoguer avec les peuples autochtones, d’exprimer sa proximité sincère et d’aborder l’impact de la colonisation et de la participation de l’Église catholique dans le fonctionnement des pensionnats autochtones partout au Canada », selon le site de la visite, qui a pour thème « Marcher ensemble ».

Pour mettre cette visite en contexte, nous avons interviewé le père Peter Bisson, SJ, délégué aux relations avec les peuples autochtones de la province jésuite du Canada.

Le P Peter Bisson, SJ

Quels seraient les moments les plus importants de cette visite du pape ? Que faut-il garder à l’esprit ?

Il faut d’abord souligner que le pape visite les Autochtones, et non le Canada.

Le moment le plus important est le premier événement dans la communauté de Maskwacis, pendant la matinée du 25 juillet, sur le lieu d’un ancien pensionnat. C’est là que le pape va présenter les excuses de l’Église. Sinon, il y aura aussi ses interactions dans les grands événements, comme au lac Sainte-Anne, en Alberta, et à Sainte-Anne-de-Beaupré, au Québec, ainsi que la grande messe au stade du Commonwealth, au centre-ville d’Edmonton. Comme on a vu dans la rencontre du pape avec les délégations autochtones à Rome, c’est l’atmosphère et l’attitude personnelle de François qui vont avoir un impact important.

Pendant cette semaine, il sera important d’écouter les discours du pape (parce que ses mots seront très pesés), mais aussi ses commentaires informels, ses réactions, tout comme les réponses des Autochtones et le comportement des foules. D’ailleurs, il faut noter que les personnes non catholiques sont évidemment les bienvenues aux événements.

Enfin, on pourra regarder l’intégration de cérémonies autochtones dans les rites catholiques, surtout la messe.

Quels sont les résultats escomptés de cette visite ?

Après l’événement à Rome, j’ai commencé à voir des énergies se dégager : j’espère qu’après la visite du pape à la fin du mois de juillet, on va voir un peu la même chose. Ce n’est pas tout le monde qui va être content par rapport à la visite du pape ou à ses paroles, à ses messages, mais on va probablement voir une circulation d’énergie beaucoup plus vaste.

J’espère personnellement que les leaders de l’Église catholique au Canada, et surtout nos évêques, vont profiter de cet événement et du travail du pape pour vraiment renforcer le travail de réconciliation entre l’Église et les peuples autochtones.

Comment, selon votre connaissance, les Autochtones catholiques perçoivent-ils cette visite ?

Positivement : c’est un moment important pour les Autochtones catholiques, et un moment de guérison aussi, quoique pas pour tous. D’ailleurs, le pape peut présenter ses excuses, mais le pardon n’est pas automatique, c’est un acte libre.

Mais juste le fait que les blessures soient reconnues par une personne aussi importante que le pape, cela signifie beaucoup : c’est une reconnaissance à plusieurs niveaux de l’expérience des Autochtones.

La visite de François est aussi un encouragement et un appui important pour les Autochtones catholiques.

Pourquoi la présence du pape sur ce territoire est-elle importante ? Comment s’inscrit-elle dans le contexte de la Commission de vérité et réconciliation ?

C’est important pour le pape de présenter ses excuses sur le territoire des Autochtones, en face de personnes autochtones, et non seulement à Rome. Faire cela dans des contextes autochtones, se présenter vraiment chez eux, vivre des cérémonies avec des Autochtones, c’est très important et cela crée des liens. Il sera important que nos leaders catholiques au Canada continuent ce que le pape va commencer.

La visite du pape répond à l’appel 58 de la Commission de vérité et réconciliation, même si sa venue a pris plus de temps que ce qui était demandé. J’ai eu l’impression que le pape était très ouvert à recevoir une invitation. Ce délai s’explique plutôt par le fait qu’il fallait une invitation des évêques comme collectivité. Les évêques n’ont pas pu trouver ensemble le moment juste pour inviter le pape jusqu’à aujourd’hui. Plusieurs peuvent dire qu’ils ont trop attendu.

Comment voyez-vous la relation entre l’Église et les peuples autochtones sur ce territoire ? Comment peuvent-elles évoluer ?

J’espère que les liens entre l’Église et les peuples autochtones soient faits de partenariat et d’égalité. Cela va prendre beaucoup de temps : par exemple, ce n’est pas partout que l’Église est à l’aise avec l’intégration de cérémonies autochtones au sein de la messe.

D’un point de vue théologique, spirituel, catholique, il nous faut aussi vraiment reconnaître la présence de Dieu dans les spiritualités et les cérémonies autochtones.

Et personnellement, je crois que nous avons vraiment besoin de l’aide des Autochtones pour deux raisons. Pour les Autochtones, le spirituel fait partie de la vie normale, alors que pour les non-Autochtones, dans l’Église ou ailleurs, la spiritualité n’est pas évidente. Alors, pour vraiment promouvoir l’aspect spirituel de la vie, je crois qu’on a besoin de l’aide des Autochtones.

Ensuite, dans les questions d’écologie, notamment pour poursuivre le programme de Laudato Si’, nous avons besoin des Autochtones, pour qui la création est une partie intégrale de notre rapport à Dieu et avec autrui. Nous, Occidentaux, avons besoin de voir la création non seulement comme un contexte pour le salut, mais aussi comme un aspect fondamental de notre lien à Dieu et avec autrui.

Ceci dit, les individus autochtones peuvent nous pardonner ou pas. C’est leur libre choix. L’important pour l’Église, c’est que nous travaillions spirituellement sur nous-mêmes, sur nos attitudes non examinées, nos préjugés, nos angles morts.

Comment les gens peuvent-ils se familiariser avec les spiritualités autochtones ? Comment créer des liens significatifs avec les Autochtones ?

La réponse la plus simple et la plus profonde, c’est de connaître des personnes autochtones, à travers les liens personnels de relation, d’amitié, de collaboration. C’est par ces liens qu’on se fait transformer.

Il faut passer des excuses à la transformation des relations et des dynamiques de pouvoir pour arriver à un partenariat. C’est pour ça que le slogan de la visite du pape, c’est « Marcher ensemble » : il s’agit d’un but et d’un moyen. C’est beau à dire, mais réaliser cet idéal n’est pas simple.

La visite du pape est-elle liée à l’écologie également ? Le logo de cette visite, créé par Shaun Vincent, est composé d’animaux et de plantes. 

Je ne crois pas que l’écologie fasse partie explicitement de l’interaction entre le pape et les groupes autochtones, mais, comme je l’ai dit plus tôt, nous avons besoin de l’aide des Autochtones et de leurs dons spirituels pour vraiment promouvoir une conversion écologique intégrale.

Le Père Peter Bisson, SJ, (au centre à gauche) prend la parole lors d’une discussion sur l’histoire des pensionnats aux côtés de partenaires autochtones. Photo : Michael Swan de The Catholic Register

Quelle a été la participation des jésuites au processus de réconciliation entre l’Église catholique et les peuples autochtones au Canada ?

Nous avons d’abord eu notre propre réconciliation, entamée entre les jésuites et les Autochtones. Le rôle des jésuites dans la réconciliation entre l’Église au Canada et les Autochtones est, je dirais, un rôle d’exemple. Avec des exceptions, les évêques comme groupe ont eu beaucoup de retard avant de vraiment commencer un processus de réconciliation. Les jésuites ont probablement été un exemple – pas nécessairement un exemple à suivre, toutefois. Mais nous nous sommes excusés, nous avons payé des indemnisations, et nos relations avec certains groupes autochtones en sont sorties approfondies et élargies. Présenter ses excuses et essayer de se réconcilier va faire mal, mais cela en vaut la peine.

Le pape va aussi rencontrer une délégation jésuite pendant sa visite. Quel sera l’esprit de cette rencontre ?

Un esprit de fraternité, j’espère, parce que lui aussi est jésuite et qu’il ne veut pas oublier sa famille spirituelle. C’est pour ça que normalement, quand il fait des visites, il cherche à visiter les jésuites. Je trouve ça très consolant.

La spiritualité ignatienne soutient-elle le pape dans l’esprit de cette visite ?

Probablement, surtout dans le discernement et dans le fait d’avoir une vue positive sur le monde. Évidemment, il y a beaucoup de problèmes et de mal dans le monde, mais derrière tout cela, il y a aussi l’amour de Dieu. Cela nous donne la confiance de passer à travers la présentation d’excuses, la reconnaissance de notre culpabilité collective et le désir de changer.

Quelques ressources utiles

Peter Bisson à propos de la Commission Vérité et Réconciliation

« À l’écoute des voix autochtones » avec le Jesuit Forum

Focus sur les excuses du pape François

Cours « Indigenous Canada »

Ressources du Cercle Notre-Dame de Guadalupe

Ressources éducatives de la CECC

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