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Story

Par Fannie Dionne 

L’appel à la vie religieuse n’est pas la seule vocation à laquelle on puisse aspirer. Pour Norbert Piché, directeur du Service jésuite des réfugiésCanada, sa vocation est d’accompagner, et d’être accompagné, par les personnes réfugiées. Son histoire est celle d’une grande confiance en Dieu et d’un travail pour défendre et accompagner des personnes marginalisées, comme Jésus nous l’a enseigné.  

Norbert anime Voyage en exil, un exercice de sensibilisation à la réalité des réfugiés.

Comment avez-vous connu les jésuites ? 

Avant, j’étais enseignant au Manitoba. Mais je savais que ce n’était pas ma vocation et j’ai commencé à chercher ailleurs. J’en ai parlé au prêtre de ma paroisse. Il m’a donné le livre Opportunities to Serve, avec les descriptions de différentes œuvres missionnaires. Une feuille, qui ne faisait pas partie du livre, était sur les Jesuit Volunteers. C’était exactement ce que je cherchais : travail, justice sociale, vie simple en communauté, dans un contexte de foi.  

J’ai fait ma demande et avant même de savoir que j’étais accepté, j’ai demandé un congé sans solde et mis ma maison à louer. Mais comme c’était un vieux feuillet, ma demande était en retard : le directeur m’a dit qu’il ne savait pas s’il allait pouvoir m’accepter. Après avoir raccroché, j’ai appelé ma sœur en larmes. Quelques jours plus tard, le directeur m’a rappelé pour dire que j’avais une place.  

Ce que j’ai appris ensuite, c’est qu’en réalité, il n’y avait pas de place encore. Mais il m’a dit plus tard avoir pensé : « Si ce jeune homme peut faire confiance à Dieu, moi aussi. » 

Et comment en êtes-vous venu à côtoyer des personnes réfugiées ? 

Norbert Piché, directeur du Service jésuite des réfugiés – Canada

J’ai donc commencé à travailler comme bénévole auprès des réfugiés en 1994, à Toronto, à Romero House, une maison d’accueil pour demandeurs d’asile. C’est devenu un peu ma vocation.  

La première famille que j’ai rencontrée venait du Rwanda. On était en plein milieu du génocide. Les parents de trois enfants m’ont parlé de leur expérience. Ce qui m’a frappé, c’est que dans leur fuite dans la jungle, la femme a accouché de leur dernière-née. Ils l’ont nommée Ingabire, qui en kinyarwanda veut dire « cadeau de Dieu ».  

C’était frappant de constater qu’ils avaient pu, dans des situations pareilles, toujours considérer que Dieu reste près de nous. Depuis, je me dis : est-ce que je peux considérer chacun des personnes réfugiées que je rencontre comme un cadeau de Dieu et non pas comme des problèmes à régler? 

Depuis, je me dis : est-ce que je peux considérer chacun des personnes réfugiées que je rencontre comme un cadeau de Dieu et non pas comme des problèmes à régler?

Vous avez accompagné des personnes réfugiées, mais est-ce que vous avez aussi été accompagné ? 

Les réfugiés sont des personnes qui ont perdu énormément de choses. Ici, ils doivent reconstruire leur vie et ce n’est pas toujours facile. De pouvoir les côtoyer pendant ces temps difficiles est un privilège. Ça m’enseigne combien l’être humain peut être à la fois résilient et fragile, et combien on a besoin l’un de l’autre. Et puis ce n’est pas juste le réfugié qui a besoin du citoyen. Ça va en sens inverse aussi parce que ça nous montre notre propre humanité ; et comment, d’un seul coup, notre vie peut basculer. 

Je vais te raconter une histoire. À un moment donné, à Romero House, les réfugiés qui venaient de l’Afrique francophone ont commencé à m’appeler « le grand brûlé ». Je ne comprenais pas pourquoi. Un homme m’a dit que lorsqu’une personne noire est brûlée, sa peau devient plus blanche. J’ai compris alors qu’ils me considéraient comme faisant partie de leur communauté. Si j’arrive à vivre avec eux, à partager leur histoire, à passer du temps en communauté, cela signifie que je suis aussi accompagné par eux. Le simple fait d’écouter leurs histoires fait en sorte que celles-ci finissent par faire partie de moi. Je ne suis plus le Norbert Piché d’avant. C’est ça l’accompagnement ! Ça nous enrichit mutuellement. 

Le simple fait d’écouter leurs histoires fait en sorte que celles-ci finissent par faire partie de moi. Je ne suis plus le Norbert Piché d’avant. C’est ça l’accompagnement ! Ça nous enrichit mutuellement. 

Et puis, finalement, vous êtes devenu directeur du Service jésuite des réfugiés. 

Oui, à un moment donné, j’ai entendu parler du poste qui s’ouvrait ici, à Montréal, comme directeur du Service jésuite des réfugiés. Je me suis dit que c’était très intéressant parce que premièrement, c’était avec les jésuites, et deuxièmement, c’était toujours avec les réfugiés.  

 

Pour moi, être directeur du Service jésuite des réfugiés impliquait justement de faire des liens entre le discernement ignatien et l’appel à voir Dieu en toutes choses, y compris dans ma vie et celles des réfugiés.  

Vous avez dernièrement mis sur pied un projet d’accompagnement spirituel des personnes réfugiées. Pourquoi ? 

Au début de la pandémie, j’ai fait une retraite qui m’a fait avancer plus au large. 

Cette idée d’accompagnement spirituel pour les réfugiés est née de l’importance de mieux se comprendre soi-même, de découvrir où est Dieu dans notre vie malgré les pertes et les deuils que l’on peut vivre. La personne réfugiée passe à travers plusieurs bouleversements. Elle a fui sa maison, et elle se retrouve dans une nouvelle société, etc. Comment vit-elle cela sur le plan spirituel ? Nous avons commencé par une retraite d’une journée dans un centre de retraite ; et nous allons bientôt continuer ce cheminement dans une paroisse. 

Comment garder espoir alors que souvent, comme société, au lieu d’accueillir les réfugiés, on érige des murs pour les tenir à distance ? 

En 1995, quand j’étais bénévole, le gouvernement conservateur avait décidé de réduire l’aide sociale de 20 %, ce qui affectait énormément les personnes réfugiées. Le ministre responsable avait dit que les personnes sur l’aide sociale pouvaient manger plus de cannes de thon.  

Le Service jésuite des réfugiés accueille et accompagne de nombreuses familles chaque année

À Romero House, on a décidé qu’on ferait une vigile de 24 heures du jeudi au vendredi saint devant l’Assemblée législative, à Toronto. On a acheté des cannes de thon et on a fait des pains au thon ; et on a cloué les boîtes vides sur une croix. On a fait les manchettes nationales pendant la journée. Mais rendu à minuit, deux heures du matin, il n’y avait pas grand monde sauf nous. J’ai demandé au prêtre jésuite qui nous accompagnait : « Il n’y a personne qui nous voit, qu’est-ce qu’on fait ici ? » Et ce qu’il m’a dit restera gravé dans ma mémoire : « On le fait parce que c’est la bonne chose à faire. Pas parce que ça va nécessairement changer, mais on le fait parce que c’est la bonne chose à faire. » 

Et c’est ça qui me pousse à persévérer. Les personnes qui traversent le chemin Roxham ou la Méditerranée, on les accueille parce que c’est la bonne chose à faire. Jusqu’à ce que les choses changent, on va continuer à toujours faire la bonne chose, comme Jésus nous l’a enseigné.  

« On le fait parce que c’est la bonne chose à faire. Pas parce que ça va nécessairement changer, mais on le fait parce que c’est la bonne chose à faire. » 

 

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